Sérophobie dans la vie privée

résente dans tous les milieux sociaux, la sérophobie, quand elle se déroule là où l’on devrait se sentir le plus en sécurité est une violence d’autant plus inacceptable, qu’elle soit physique ou psychologique. Ce n’est pas seulement le symptôme du dysfonctionnement d’un couple ou d’une famille en difficulté, mais aussi un comportement dangereux et des infractions tombant sous le coup de la loi. La sérophobie au sein de la famille ou dans le couple peut prendre différentes formes : vous pouvez être victime de menaces, d’une atteinte à l’intimité de votre vie privée, vous pouvez faire l’objet d’appels malveillants, de harcèlement moral, être victime de diffamation ou d’injures, être discriminé, la personne avec qui vous viviez peut porter atteinte à votre droit de visite et d’hébergement à l’égard de vos enfants. En fil rouge, se pose la question du partage de votre statut (volontaire ou non) et de ses conséquences.

La menace

La menace est l’annonce faite à quelqu’un que l’on va “commettre un crime ou un délit” dans le but de l’effrayer (menace simple) ou de le faire obéir à un ordre (Article 222-17 du Code pénal).

Il n’est pas nécessaire que les menaces aient été adressées directement à la victime : l’intention est présumée lorsqu’elles ont été prononcées publiquement ou devant des proches de la victime.

La menace simple repose sur le fait de promettre de commettre un certain nombre de crimes ou de délits (les crimes ou délit contre les personnes “dont la tentative est punissable”), soit de manière répétée, soit par écrit, via des images ou par l’utilisation de tout autre objet.

Vous êtes victime de menace simple lorsque votre conjoint ou compagnon vous promet, par exemple, de vous tuer s’il apprend que vous lui avez transmis le VIH.

La menace avec ordre de remplir une condition, elle, n’a pas besoin d’être répétée. La condition est l’ordre fait à la victime. Cette dernière se retrouve contrainte de se soumettre à l’ordre qui lui est imposé, et donc de remplir une condition, si elle veut éviter d’être victime des faits qui lui sont promis dans la menace. L’ordre peut être une obligation de faire ou de ne pas faire quelque chose.

Si votre conjoint vous menace de manière orale, il vous faudra en apporter la preuve (témoignage, enregistrement, etc.). Elle peut aussi reposer sur un écrit, une image ou tout autre support.

Si vous avez la preuve matérielle des agissements de votre conjoint, n’attendez pas qu’il mette sa menace à exécution pour signaler ces faits (cf. “Déposer une plainte”).

Collectez tout élément de preuve (SMS, e-mails, messages téléphoniques, enregistrements, témoignages, etc.) susceptible de venir appuyer votre plainte.

En pratique, les poursuites sont rares lorsque la plainte n’est pas accompagnée d’éléments permettant de rendre vraisemblable l’accusation.

La menace simple peut être punie, au maximum, de six mois de prison et 7.500 € d’amende, contre trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros pour la menace avec ordre (Articles 222-17 et 222-18 du Code pénal).

Depuis plusieurs semaines, il y a de fortes tensions entre mon conjoint et moi. J’envisage de le quitter. Lors d’une dispute, il m’a menacé de dévoiler mon statut sérologique à mon employeur si je le quitte.

En vous prévenant du fait qu’il dévoilera votre statut sans votre consentement dans le but de vous nuire, votre conjoint vous menace de commettre les délits d’atteinte à la vie privée ou de diffamation.

Dans le cas présent, le fait de vous menacer de dévoiler votre statut si vous le quittez peut constituer “une menace avec un ordre de remplir une condition”. Votre conjoint a agi en connaissance de cause : il savait que son attitude était de nature à faire pression sur vous. Il avait conscience de vous contraindre de ne pas faire un acte déterminé (le quitter). La menace n’a pas à être réitérée. Elle peut se manifester par « quelque moyen que ce soit » : écrit, mails, SMS, vidéo, menace verbale, etc. Vous pouvez déposer plainte contre votre conjoint.

Afin d’apporter la preuve de l’existence de cette menace et permettre que des poursuites soient engagées, il faudra que vous puissiez apporter un élément tendant à démontrer la réalité des menaces (par exemple en enregistrant les propos avec votre téléphone). Sans cette preuve, votre conjoint sera libre de mentir, et il sera malheureusement très difficile d’envisager des poursuites à son encontre.

Si votre conjoint passe à l’acte et révèle, sans votre autorisation, que vous êtes porteur du VIH à des tiers, dont votre employeur, il peut être poursuivi sur plusieurs fondements : l’atteinte à l’intimité de la vie privée, le harcèlement (ou cyber-harcèlement), ou la diffamation.

L’atteinte à l’intimité de la vie privée et le détournement de correspondances

Le droit au respect de la vie privée est le droit pour une personne d’être libre de mener
sa propre existence et de choisir à qui et comment elle parle de certains éléments de sa vie privée. Ce droit comprend tout ce qui relève de la sphère intime et personnelle d’une personne, notamment son état de santé, et s’applique même au sein d’un couple ou d’une famille. L’atteinte à la vie privé constitue une faute civile et pénale.

Une faute civile, dont le principe est tout d’abord, énoncé par l’article 9 du code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cette formulation laisse le juge libre de déterminer si la révélation a effectivement porté atteinte à votre vie privée, et si oui (et c’est évidemment le cas concernant une donnée de santé) quelle réparation peut-être envisagée (voir “Comment saisir le juge civil”).

La possibilité d’exercer une action civile est intéressante, car contrairement à une action sur le plan pénal, vous avez plus de chance d’être reconnu.e comme une victime et donc que votre action aboutisse à une solution effective, en l’occurrence, l’octroi de dommages et intérêts. Les juges ont toute liberté pour fixer le montant des dommages et intérêts pour préjudice moral, en tenant compte de la gravité des faits, de l’intention de l’auteur, et de leur caractère répété ou non.
Pensez cependant au fait que cette procédure peut nécessiter la représentation par un avocat et que la procédure que vous engagez peut rapidement se révéler coûteuse. Par ailleurs, même si le juge rend une décision en votre faveur, il se peut que les dommages et intérêts que doit payer l’auteur des faits, ne couvrent pas tous les frais que vous avez engagés.

En cas d’urgence, l’article 9 du code civil a prévu que puisse être utilisée la procédure d’urgence, appelée “procédure en référé”. C’est une procédure qui peut permettre d’obtenir une décision rapide et provisoire. Dans ce cas, il est nécessaire d’agir par voie d’huissier en assignant votre adversaire qui devra comparaître devant le juge des référés qui pourra ordonner des mesures permettant de mettre un terme aux atteintes constatées (ex. suppression de photographies sur un compte Grinder, etc.).

L’atteinte à l’intimité de la vie privée peut aussi être une infraction pénale, dans le cas de certaines formes d’intrusion dans votre intimité. En pratique, ces infractions ne recouvrent qu’un aspect limité des atteintes susceptibles d’être portées à la vie privée, alors que la voie civile apparaît plus sécurisée pour la victime.

L’article 226-1 du Code pénal sanctionne comme délit punissable, au maximum, d’un
an d’emprisonnement et/ou d’une amende, le fait de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, soit en captant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou des photos ou vidéos.

Cette infraction ne touche donc que les violations à l’intimité de la vie privée réalisées de l’une des manières prévues par la loi, cette notion est plus restrictive que celle envisagée par l’article 9 du Code civil.

Sur le plan pénal, la plainte de la victime est une condition de la poursuite par le
procureur. Et si la victime se désiste, le parquet devra mettre un terme à la procédure (Article 226-6 du Code pénal).

Si le procureur de la République a pris connaissance de votre plainte et qu’il a engagé des poursuites, vous avez la faculté de vous constituer partie civile. Vous pourrez ainsi demander à la juridiction de jugement la réparation financière de votre préjudice.

S’il s’agit de prendre connaissance d’une correspondance (courriel, courrier, etc.) de manière frauduleuse, c’est-à-dire, en sachant qu’elle ne nous est pas destinée, on parle alors du délit de “détournement de correspondances” (Article 226-15 du Code pénal). Cela est le cas quel que soit le support (papier ou électronique), même si la correspondance a bien été reçue par son destinataire initial.

Il y a aussi atteinte au secret des correspondances lorsqu’une personne prend frauduleusement connaissance de leur contenu ou les “divulgue” sans pour autant les avoir ouvertes elle-même. Ce qui est important, c’est que l’auteur agisse volontairement et de mauvaise foi. Il ne s’agit pas d’une erreur, c’est en toute connaissance de cause que l’auteur porte atteinte au secret. La Cour de cassation a défini la “mauvaise foi” comme “la connaissance qu’a le prévenu de ce que les lettres ne lui étaient pas destinées” (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 mai 1990, 89-85.772, Publié au bulletin).

Mon ex-compagnon a fait une photo de mon analyse sanguine et l’a envoyée à mon assureur pour lui prouver que j’avais menti sur mon état de santé lors de la souscription de mon contrat d’assurance

Les résultats d’une analyse sanguine sont systématiquement remis sous enveloppe cachetée. C’est donc une correspondance, qui ne concerne pas votre conjoint ou ex-conjoint. Le fait d’en prendre connaissance alors qu’il sait que le document ne lui est pas destiné, et d’en faire une copie est constitutif d’une atteinte au secret de la correspondances. C’est un délit, pour lequel vous pouvez déposer plainte.

Contrairement au vol, qui n’existe pas entre époux, il n’y a pas dans le cas des atteintes au secret de la correspondance, d’immunité liée au statut de conjoint : que vous

soyez en couple ou pas, personne n’a le droit de prendre connaissance, à votre insu, de vos courriers reçus, ou émis, et encore moins, d’en faire état à d’autres, surtout de manière malveillante.

Bien que cette transmission d’information à votre assureur pourrait éventuellement mettre en évidence une fausse déclaration lors de la souscription de votre contrat d’assurance (et encore celle-ci serait discutable), votre assureur ne pourrait pas l’utiliser contre vous. En effet, la preuve ne peut pas être obtenue par un procédé déloyal, notamment à l’insu des personnes. Votre assureur ne pourrait ignorer que, ne venant pas de vous, ces résultats ont été obtenus illégalement. Non seulement il ne pourrait les utiliser pour résilier votre contrat, mais il ne pourrait pas non plus les conserver dans votre dossier.

Les appels malveillants

Le fait d’envoyer des messages et SMS malveillants, d’appeler une personne ou de provoquer des agressions sonores de manière réitérée dans l’intention de lui nuire, en utilisant un moyen tel qu’un téléphone portable correspond à ce que l’on qualifie “d’appels malveillants”. Ce type de comportements est constitutif d’un délit punissable d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende maximum. Cela peut aussi reposer sur l’inscription de la personne à son insu, à des abonnements ou des sites, par exemple à caractère pornographique, visant à ce qu’elle reçoive de nombreux emails et notifications.

Ces agissements réitérés sont considérés comme malveillants lorsqu’ils visent à vous nuire, à provoquer chez vous un climat d’insécurité et à vous perturber.

J’ai dit à une personne que je fréquente que j’étais porteur du VIH. Depuis il ne cesse de m’appeler et de m’envoyer des messages alors que je lui avais dit que je ne voulais plus lui parler.

Le fait pour cette personne de vous appeler et de vous envoyer des messages de manière répétée, alors même que vous lui avez demandé d’arrêter, si ces agissements ont pour objet de vous perturber et démontrent une volonté de vous nuire, constitue le délit d’appel téléphonique malveillant.

Dans un premier temps, vous pouvez bloquer le numéro de cette personne afin de mettre un terme à ses tentatives d’appels et à l’envoie intempestif de messages.

Vous pouvez aussi déposer une plainte contre cette personne et fournir tous les éléments de preuve dont vous disposez. Vous devrez notamment transmettre les messages qu’il vous a envoyé, ainsi que votre relevé d’appels et les éventuels messages vocaux qu’il aurait laissés sur votre messagerie.

Le harcèlement moral

Le fait de tenir des propos ou d’adopter un comportement de manière répétée, ayant pour but ou pour effet de conduire à une dégradation de votre état de santé (qu’elle soit physique ou psychologique), correspond à du harcèlement moral. Ce type d’agissements est puni d’une peine maximale d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende (deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende en cas, par exemple, d’incapacité totale de travail supérieure à huit jours, Article 222-33-2-2 du Code pénal.) .

Lorsque le harcèlement se produit sur internet, on parle de cyber-harcèlement qui est lui aussi puni d’une peine de deux ans de prison et de 30.000 euros d’amende maximum (Article 222-33-2-2 du Code pénal). Les peines pourront être augmentées, en fonction de la gravité des conséquences du harcèlement que vous avez subi ou que vous subissez (trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende en cas, par exemple, d’incapacité totale de travail supérieure à huit jours).

Le harcèlement par votre conjoint (et même si le harceleur est votre ex) ,est punissable d’une peine de trois ans de prison et de 45.000 euros d’amende maximum (Article 222-33-2-1 du Code pénal). Les peines peuvent être aggravées si les conséquences sur votre santé sont plus lourdes (cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende en cas d’incapacité totale de travail supérieure à huit jours).

J’ai annoncé à mon conjoint que je suis porteur du VIH. Il ne cesse de dévoiler cette information à d’autres personnes en me culpabilisant et en me rabaissant.

En parlant de votre statut à des tiers, sans votre consentement et de manière répétée, le comportement de votre compagnon peut être à l’origine d’une dégradation de votre état de santé, ce qui peut constituer des faits de harcèlement moral. Par ailleurs, le fait que l’auteur de ces faits soit votre conjoint est une circonstance aggravante.

Dans un premier temps, vous pourrez avoir recours à un médiateur familial. La médiation vise à rétablir le dialogue entre vous et votre conjoint. L’objectif est de vous permettre de trouver un accord amiable sans avoir à recourir à l’intervention d’un juge.

La liste des médiateurs familiaux ayant signé une convention avec le tribunal judiciaire est disponible auprès du greffe de ce tribunal (ou d’une maison de la justice et du droit) ou de la caisse d’allocations familiales (CAF) .

La médiation se déroule en trois phases :

  • le médiateur va d’abord vous recevoir dans le cadre d’un entretien d’information. Il est gratuit ;
  • si vous et votre conjoint acceptez de participer à une médiation, il vous sera demandé une participation financière qui peut être prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle (Voir “Comment bénéficier de l’aide juridictionnelle ?”) ;
  • si vous trouvez un accord, celui-ci pourra être validé par le juge et aura alors la valeur d’un jugement (Article 373-2-7 du Code civil).

Vous pourrez aussi déposer plainte contre lui. Essayez de rassembler tous les éléments de preuve dont vous disposez pour démontrer la réalité de ce que vous avancez,

comme les enregistrements de ces propos, les témoignages des personnes à qui il a dévoilé votre statut, etc. Cela rendra le fait de nier ces agissements plus difficile pour votre conjoint et rendra les poursuites contre lui moins complexes.

Toutefois, les plaintes n’aboutissent pas toujours à des poursuites, ou l’issue de celles-ci peut ne pas vous satisfaire. Vous pouvez aussi sentir que vous n’êtes pas reconnue en tant que victime : il est donc possible de saisir le juge civil et demander la réparation du préjudice que vous avez subi au titre de l’atteinte à votre privée.

La diffamation et l’injure

Porter une accusation (ou faire état d’un fait précis) qui porte atteinte à l’honneur ou la réputation d’une personne, lorsque celle-ci est identifiée ou identifiable (y compris par son pseudonyme), est constitutif d’une diffamation.

Une injure correspond au fait de tenir des propos outrageants, méprisants, dénigrants à l’égard d’une personne (Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Contrairement à la diffamation, elle ne porte pas sur l’imputation d’un fait. L’injure, qu’elle soit provoquée ou non, est constitutive d’une infraction.

Ces deux infractions peuvent se produire en privé ou en public et être réalisées par tout moyen : oralement, à travers des écrits, via les réseaux sociaux, etc.

La diffamation et l’injure sont privées lorsqu’elles sont effectuées auprès d’un cercle restreint de contacts, liés entre eux par une “communauté d’intérêt” (amis, famille, association, etc.). C’est le cas lorsqu’elles se produisent lors d’une réunion de famille, lorsqu’il s’agit d’un message privé sur une messagerie, ou sur la page personnelle d’un réseau social, ainsi que sur un groupe privé. La diffamation et l’injure privées sont de simples contraventions, sanctionnées d’une amende de 38 euros (Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les articles R. 621-1 et R.621-2 du Code pénal). Il n’y a pas de diffamation lorsque les propos sont échangés entre deux personnes. Cela pourra en revanche être constitutif d’une

injure ou d’une insulte. L’auteur des faits ne pourra pas être condamné à vous verser des dommages et intérêts pour cette contravention.
Ces agissements sont publics, lorsqu’ils se produisent en présence d’un nombre important de personnes qui n’ont pas été sélectionnées par avance. C’est-à-dire que tout le monde peut avoir accès ou entendre ces propos. Une diffamation est donc publique lorsqu’une personne tient des propos diffamant lors d’une réunion professionnelle ou familiale, etc. Une injure publique peut-être le fait de tenir des propos dégradants à votre égard en pleine rue, ou par le biais d’une publication dans la presse écrite ou sur internet.

L’absence de provocation à l’injure ou à la diffamation est un facteur d’aggravation de la peine encourue, tout comme le fait que l’injure et la diffamation soient publiques.

En théorie, l’auteur de l’accusation diffamatoire ou de l’injure peut faire la preuve que le fait correspond à la vérité (Article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Mais il ne peut pas le faire lorsque cette preuve aurait pour effet de porter atteinte à la vie privée de la victime. Ces infractions lorsqu’elles sont publiques, constituent un délit punissable d’une amende de 12.000 euros au maximum. La peine peut-être aggravée, notamment en cas de propos racistes ou homophobes (un an de prison et 45.000 euros d’amende) (Article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Contrairement à la diffamation ou à l’injure privée, la victime pourra demander à obtenir des dommages et intérêts devant le tribunal correctionnel.

Attention : les mêmes faits ne peuvent être punis qu’une seule fois. L’auteur des agissements ne pourra pas être poursuivis deux fois pour les mêmes faits. Le délai de prescription de ces infractions est très court, il est de trois mois à compter du jour où elle ont été commises.

Exemple : Sylvain travaille dans grande entreprise de vente en ligne. Il y a rencontré Paul, avec qui il est en couple depuis plusieurs mois. Il a décidé de lui partager le fait qu’il vit avec le VIH. Paul lui a demandé s’il pouvait en parler à sa meilleure amie, qui est aussi leur collègue. Après lui avoir parlé, Aline a parlé de l’état de santé de Sylvain à d’autres membres de l’entreprise. Un des collègues de Sylvain lui a fait part du contenu de ces conversations.

Dans ce cas, imputer à Sylvain le fait d’être porteur du VIH et divulguer cette information à ses collègues pourrait être constitutif d’une diffamation publique, à condition de démontrer qu’Aline avait l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de Sylvain. Ce type de comportement est constitutif d’un délit.

Sylvain pourrait déposer une plainte auprès d’un commissariat de police ou d’un poste de gendarmerie ou au procureur de la République au titre de la diffamation publique. Il pourrait apporter des éléments de preuve, comme par exemple le témoignage du collègue qui lui a fait part de ces conversations. Si les faits contre Aline sont établis, elle pourra être sanctionnée d’une amende de 12 000 euros.

Par ailleurs, en partageant le statut de Sylvain sans son consentement, le comportement d’Aline est constitutif d’une atteinte à l’intimité de la vie privée de Sylvain sur le fondement de l’article 9 du Code civil pouvant ouvrir droit à une réparation devant la chambre/le tribunal de proximité (Cela concerne les demandes inférieures ou égales à 10 000. Pour les demandes supérieures à cette somme, il faudra saisir le tribunal judiciaire).

Sylvain a fait le choix d’informer Aline par courrier que son comportement était constitutif de plusieurs infractions pouvant faire l’objet de poursuites si elle ne cessait pas celui-ci.

La discrimination

La famille n’est pas une zone de non-droit, même si, reconnaissons-le, il est parfois difficile de faire la distinction entre indélicatesses, maladresses, et comportements pouvant être sanctionnés par la loi. Cependant, le droit étant le même pour tous, les discriminations ne peuvent, en théorie au moins, avoir lieu au sein de la cellule familiale, même la plus étroite.

La discrimination est une forme de violence psychologique. La violence psychologique est constituée de paroles ou d’actes qui ont pour but de déstabiliser ou de blesser l’autre, de lui nuire. La violence psychologique n’est pas constituée de propos blessants, même graves, pris isolément, ou de dérapages occasionnels exprimés sous le coup de la colère et/ou suivis de regrets ou d’excuses. Dans la violence psychologique il ne s’agit pas d’un dérapage ponctuel, mais d’une violence qui s’installe dans la durée et entraîne des conséquences sur l’état de santé de celui qui en est victime.

Par exemple, un comportement sera qualifié de discriminatoire lorsqu’il consiste, pour des grands-parents, à verser moins d’argent aux petits enfants dont l’un des parents vit avec le VIH, par rapport à leurs autres petits enfants ; cela peut aussi être le refus d’embrasser son fils porteur du VIH, l’appeler “le séropo”, ne pas l’inviter aux fêtes de famille, voire de l’exclure de la succession, parce que vivant avec le VIH, il serait “indigne”.

Il est possible d’envisager que certains de ces comportements puissent constituer des faits de harcèlement moral ou d’injures. Cependant, la plupart des cas de discrimination au sein de la famille, pourtant reconnus par la loi du 27 mai 2008, ne peuvent pas faire l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel, ce que nous pouvons parfois regretter (Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (1)). En revanche, il est envisageable de saisir le médiateur familiale afin de rétablir un dialogue entre vous et votre famille.

Il est aussi possible, sur le fondement de la loi du 27 mai 2008, d’engager une procédure devant le juge civil, si les faits, suffisamment graves, ont réellement entrainé une différence de traitement entre vous et les autres membres de votre famille, et vous ont causé un préjudice personnel (La chambre/le tribunal de proximité pour les demandes inférieures ou égales à 10 000. Pour les demandes supérieures à cette somme, il faudra saisir le tribunal judiciaire).

J’ai récemment révélé à mes parents que j’ai été contaminé par le VIH. Ils l’ont très mal pris, et depuis ils m’ont interdit de me joindre à eux lors de la plupart des fêtes de famille, ou m’interdisent de les embrasser lorsque je peux y assister.

Si le fait de vous interdire de vous rendre à une réunion de famille et d’embrasser votre famille parce que vous êtes porteur du VIH est bien constitutif d’une discrimination, aucune sanction n’est prévue par le code pénal pour ce motif.

Il est envisageable de recourir à un médiateur familiale afin de rétablir un dialogue avec votre famille et d’apaiser les tensions.

Pensez qu’il existe différents dispositifs d’écoute et de soutien pouvant vous aider. Malgré les liens qui nous unissent avec certaines personnes, notamment les membres de notre famille, ou des amis, réfléchissez à ce que vous apporte ces relations qui sont parfois toxiques et conduisent à vous faire souffrir.
Vous pourrez aussi saisir le juge civil pour obtenir la réparation du préjudice moral qui découle de ces faits.
Si le conflit s’installe dans la durée, et retentit sur votre état de santé, y compris psychologique, il peut s’agir d’une forme, cruelle, de violence psychologique, comme du harcèlement moral conduisant à une dégradation de votre état de santé et de vos conditions de vie.
Les violences psychologiques sont des violences comme les autres (ainsi que le rappelle l’article 222-14-3 du code pénal). Si elles ont entraîné une incapacité totale de travail de 8 jours au moins, elles seront punissable de trois an d’emprisonnement maximum et 45.000 euros d’amende (Article 222-11 du Code pénal). Si elles sont plus “légères”, il s’agira d’une contravention (750 euros au plus, Article R624-1 du Code pénal).

Le droit de visite et d’hébergement

En tant que co-détenteur de l’autorité parentale à l’égard de vos enfants, vous avez le droit de maintenir des relations personnelles avec eux, ainsi que de respecter les liens qu’ils entretiennent avec votre conjointe ou ex-conjointe . Evidemment, c’est aussi vrai dans le sens inverse.

Suite à une séparation, les parents peuvent déterminer les conditions du droit de visite et d’hébergement. Ce droit vous permet de voir vos enfants ou de les recevoir pendant pendant une période déterminée à l’avance. Vous pouvez fixer ces conditions avec votre ex-femme.

Le fait pour votre ex de vous refuser de voir votre enfant, alors que vous en auriez le droit, suite à un accord entre vous et votre ex-épouse, ou en vertu d’une décision du juge est

interdit par la loi. Cela est constitutif du délit de “non représentation d’enfant” qui peut être puni d’un an de prison et 15.000 euros d’amende au maximum (Article 227-5 du Code pénal).

Toutes modifications des conditions du droit de visite et d’hébergement doit aussi faire l’objet d’un accord entre vous et votre ex. Cette dernière ne peut donc pas vous empêcher de voir vos enfants, sauf si un juge a modifié les conditions de votre droit de visite et d’hébergement. A défaut d’un accord sur la modification de ces conditions, il vous faudra tenter de recourir à un médiateur familial, ou à un juge aux affaires familiales (JAF) en cas de désaccord persistant.

La tentative de médiation vise à rétablir le dialogue entre vous et votre conjointe ou ex-conjointe. L’objectif est de vous permettre de trouver un accord amiable sans avoir à recourir à l’intervention d’un juge.

Dans plusieurs tribunaux, et à titre expérimental, la loi oblige, préalablement à la saisine du JAF, le recours à la médiation pour toute les décisions du juge aux affaires familiales relatives à l’autorité parentale (sauf en cas de violence) dans les tribunaux suivants : Cherbourg-en-Cotentin, Rennes, Saint-Denis, Evry, Pontoise, Tours, Nantes, Bordeaux, Nîmes, Montpellier et Bayonne. Pour ces tribunaux, votre demande sera donc irrecevable si vous n’avez pas préalablement procédé à une tentative de médiation. De manière générale, le juge demande souvent aux familles de procéder à une médiation (Article 373-2-10 du Code civil). Cela ne sera donc pas du temps perdu si vous y procédez avant de saisir le juge, et vous permettra peut-être de trouver une solution amiable.

La liste des médiateurs familiaux ayant signé une convention avec le tribunal judiciaire est disponible auprès du greffe de ce tribunal (ou d’une maison de la justice et du droit) ou de la caisse d’allocations familiales (CAF) .

La médiation se déroule en trois phases :

  • le médiateur va d’abord vous recevoir dans le cadre d’un entretien d’information. Il est gratuit ;
  • si vous et votre ex acceptez de participer à une médiation, il vous sera demandé une participation financière qui peut être prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle (Voir “Comment bénéficier de l’aide juridictionnelle ?”) ;
  • si vous et votre femme ou ex-femme trouvez un accord, celui-ci pourra être validé par le juge et aura alors la valeur d’un jugement (Article 373-2-7 du Code civil).

Si aucun accord n’a été trouvé, vous pourrez saisir le juge aux affaires familiales du Tribunal Judiciaire dont dépend le lieu de résidence habituelle de votre enfant (Article 1070 du Code de procédure civile) Si vous n’êtes pas séparés, le JAF sera celui du lieu où se trouve votre résidence familiale.

Lorsque vous le saisissez en ce qui concerne votre droit de visite et d’hébergement, la représentation par avocat n’est pas obligatoire, bien que fortement conseillée (Article 1139 du Code de procédure civile).

Vous pouvez saisir le juge de différentes façons :

  • en adressant une requête au greffe du tribunal (Article 1137du Code de procédure civile ; Cerfa n°11530*08) par lettre recommandée avec accusé de réception, ou en déposant directement votre demande au greffe (Article 1138 du Code de procédure civile) ;
  • vous pouvez aussi assigner votre conjoint ou ex-conjoint à comparaître devant le tribunal par voie d’huissier. L’assignation est un acte par lequel vous convoquez votre adversaire à comparaître devant le JAF. Le recours à un avocat sera, dans ce cas, nécessaire en pratique.

Pensez à bien formuler toutes vos demandes et à fournir les documents justificatifs pour que le juge puisse statuer sur votre affaire. Pour les documents à transmettre, veuillez vous référer à la notice relatif au dépôt d’une requête et d’une assignation.

La procédure devant le JAF est essentiellement orale (Article 1140 du Code de procédure civile), donc pensez à préparer vos arguments qui doivent être clairs et concis. Elle n’est pas publique, c’est à dire que les rencontres avec le juge se déroulent dans son bureau, et non pas dans une salle d’audience. Le juge pourra faire procéder à une enquête (Article 371-4 du Code civile).

Même si vous n’êtes pas, d’un point de vue légal, le parent de l’enfant, mais que vous avez résidé de manière stable avec lui et votre conjointe ou ex-conjointe, que vous avez participé à son éducation, son entretien et avez noué des liens affectifs durables avec lui, le juge pourra fixer les conditions de votre droit de visite et d’hébergement (Article 373-2-12 du Code civil).

Mon ex-femme dont je suis divorcé a appris que j’ai été contaminé par le VIH. Elle refuse que je vois nos enfants et elle les a informé que j’étais malade. Que puis-je faire ?

Même si vous êtes séparés ou divorcés de votre ex-épouse, vous avez le droit de voir vos enfant.

Si votre droit de visite et d’hébergement résulte d’un accord en vous et votre ex-femme ayant été validé par le juge, ou d’un jugement, par exemple suite à votre divorce, le fait de vous interdire de voir vos enfants aux conditions qui ont été fixées, est constitutif du délit de non représentation d’enfants.

Dans un premier temps, vous pourrez déposer une plainte contre votre ex-femme, au titre du délit de non représentation, dans un commissariat de police ou à la gendarmerie. Ce délit est encore plus grave si vous n’avez pas vu ou eu de nouvelles de vos enfants depuis plus cinq jours. Vous pouvez être accompagné d’une association pour vous soutenir et vous conseiller.

Tenter aussi de contacter votre ex-femme en lui expliquant la situation : vous êtes sous traitement et vous ne pouvez pas transmettre le VIH. Et quand bien même vous ne seriez pas sous traitement le VIH ne se transmet pas par simple contact. Indiquez lui que le fait de vous empêcher de voir vos enfants et de les informer brutalement de votre situation, sans les explications adéquates n’est pas dans leur intérêt et peut-être très violent. Les enfants peuvent être perturbés par le fait de ne plus voir l’un de leur parent du jour au lendemain, et du fait de ne pas recevoir de véritables explications sur la situation. Proposez-lui de discuter de la situation et d’essayer de trouver une solution, dans l’intérêt des enfants.

Si votre ex-épouse n’est pas joignable ou refuse de discuter avec vous et de trouver une solution, appelez vos proches qui sont en contact avec votre ex-femme, l’assistante maternelle, la crèche, l’école de vos enfants pour savoir si votre ex est venue les chercher. Si tel est le cas, le personnel de l’école devra faire un signalement au procureur de la République.

Si votre ex refuse toujours de respecter votre droit de voir vos enfants, vous pouvez tenter une procédure de médiation familiale. C’est une procédure parfois longue et compliquée, et un résultat vous étant favorable n’est pas garantie. Mais faire appel à un tiers spécialiste de ce genre de situation peut parfois permettre à votre ex-conjointe de comprendre la situation et de rétablir les choses, ou du moins, de trouver un nouvel accord.

Si la médiation n’est pas concluante et que votre ex refuse toujours que vous voyez vos enfants, vous pourrez alors saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il juge à nouveau votre affaire au regard des récents événements.

Il vous faudra aussi prendre le temps de savoir ce qui a été dit à vos enfants concernant votre maladie. Ils peuvent avoir été bouleversés par cette information et avoir reçu des informations fausses. Expliquer la situation et rassurer vos enfants peut prendre du temps, surtout s’ils ont été perturbés par la révélation faite par votre ex-femme. Vous pouvez vous renseigner pour savoir si le recours à une thérapie familiale pourrait être utile.

Le partage de son statut à un partenaire, à un conjoint

La portée de la décision de confier votre statut à votre partenaire diffère selon votre engagement, et celui de votre partenaire, dans votre relation. Un coup d’un soir ? Le coup de foudre qui vous conduira devant le maire ?
Dans un couple, tout n’est pas l’affaire du droit. Mais les relations durables se construisent dans une forme de confiance ou de loyauté. C’est même une obligation que l’on souscrit dans le cadre des “liens du mariage” (Article 212 du code civil). Rien ne définit la loyauté et son respect, mais vous serez amené à vous interroger sur votre capacité à vivre avec un secret au cours de votre relation, et à réfléchir sur la compatibilité de celui-ci avec les obligations d’un couple. Il est donc important de se questionner sur le partage de votre statut avec votre partenaire, d’autant plus si la contamination se produit alors que vous êtes déjà en couple, et que vous en ignorez la source.

Le secret porté sur votre statut sérologique pourrait même, plus tard avoir d’autres implications, auxquelles on ne pense pas habituellement. Pouvez-vous désigner votre partenaire comme étant votre “personne de confiance” ? C’est à dire celle qui sera l’interlocuteur des médecins si vous deviez, en cas d’accident par exemple, être hors d’état de manifester votre volonté dans votre relation avec les médecins, (voir la partie relative à “La disance” et la partie “EHPAD”).

Cependant, il n’existe aucun risque pénal si vous deviez décider de ne pas informer votre conjoint de votre statut, à condition que vous soyez traité et indétectable.

Exemple : Christophe, dont la charge virale est indétectable depuis longtemps, a entretenu des relations sexuelles non protégées avec une femme en lui cachant qu’il était porteur du VIH. Elle n’a pas été contaminée, mais a déposé plainte et a remis à la justice un certificat médical faisant état de conséquences psychologiques. Que risque-t-il ?

Le VIH est aujourd’hui de mieux en mieux pris en charge et n’est plus une maladie mortelle. Christophe n’aurait donc pas pu être poursuivi pour empoisonnement. Mais même non mortel, le VIH reste une maladie chronique dont la contamination aurait pu être qualifiée d’“administration de substance nuisible” (Article 222-15 du Code pénal).

Mais Christophe, dont la charge virale est indétectable, ne pouvait pas transmettre cette maladie à sa partenaire. Il ne pouvait donc pas être poursuivi pour ce motif. Il aurait pu, éventuellement, faire l’objet de poursuites pour des violences psychologiques, mais il n’avait absolument pas l’intention d’en causer.

Après une procédure longue et douloureuse pour chacune des parties, Christophe a obtenu un “non-lieu”, c’est-à-dire, qu’il n’a pas comparu devant un tribunal et que les poursuites se sont arrêtées (Cour de Cassation, Chambre criminelle, 5 mars 2019, pourvoi n°18-80 712).